Sacs de luxe : de la notoriété à l’exclusivité
Qu’est-ce qui rend un sac désirable ? Au-delà de la marque, comment expliquer le succès incroyable de certains modèles et une désirabilité qui ne faiblit pas ? C’est la question que se sont posée la société d’étude et de conseil Promise Consulting et la société d’investissement Bernstein en questionnant 309 femmes françaises dans le cadre d’une étude disponible en souscription pour les grandes marques de luxe (*)
L’étude, menée auprès de femmes CSP+, a pour but d’évaluer une centaine de modèles de sacs en fonction de 3 critères, la notoriété, la désirabilité et l’exclusivité. En filigrane apparait la stratégie inhérente à chaque marque : comment faire d’un sac une icône ?
La puissance du nom
Le succès d’un modèle de sac peut difficilement s’étudier en faisant abstraction de la marque, dont la puissance financière, marketing et le travail sur l’image sont des contributeurs essentiels. La qualité des produits, la mise en avant des savoir-faire, la communication fréquente et influente, la distribution maitrisée, agile, le renouvellement ou la création de flagships prestigieux, les collaborations avec des artistes (collections) ou des architectes en vogue (flagships) participent indéniablement au succès des modèles.
Hermès, Chanel, Louis Vuitton et Dior dominent le classement
Les 4 Maisons se partagent les 10 premières places du classement. Leurs modèles ont en commun d’avoir apporté une nouveauté dans l’esthétique des sacs à main tout en restant dans le périmètre d’un style capable de perdurer, loin des tendances éphémères et parfois trop disruptives. Ils correspondent aux goûts d’une clientèle française qui préfère le classique intemporel au sac fantaisiste ou excentrique (ces modèles se retrouvent en bas du classement), les cuirs rigides ou semi-rigides, les formes rectangulaires, suggérant une certaine harmonie et une conception de l’élégance à la française. La simplicité du modèle n’exclut pas son rôle de symbole statutaire. Le sac de luxe siglé, marqueur de bon goût et d’aisance sociale, garde toute sa place. « Nous avons décidé d'évaluer la désirabilité et l'exclusivité des modèles de sacs pour deux raisons principales. Premièrement, bien que la cliente fortunée accorde une grande importance à la marque, le modèle, qui est une synthèse de la matière, du design, de la couleur et du savoir-faire, revêt une importance égale. Si certaines marques sont emblématiques, certains modèles le sont tout autant. Deuxièmement, le sac, en tant qu'accessoire de mode intemporel et visible, incarne parfaitement l'essence et la valeur de la marque de luxe.» déclare Philippe Jourdan, CEO Promise Consulting | Panel On The Web.
Raviver la flamme
Hermès, Chanel, Louis Vuitton et Dior ont en commun de toutes appartenir à des familles. Echappant aux rachats successifs ou à la valse rapide des créatifs, elles sont soucieuses du temps long indispensable à la maturation d’une marque de luxe. Elles savent établir des relations de long terme avec leurs sacs iconiques. Une fois la notoriété de ceux-ci installée, elles alimentent son poumon vital, la désirabilité. Pour chaque défilé, Chanel crée des variantes de son sac Classique, Louis Vuitton renouvelle souvent ses lignes avec des collections capsules ou des éditions limitées tout en mettant en avant le haut de gamme, le Lady Dior fait l’objet d’un véritable « programme » artistique, Hermès décline le sac Kelly en de multiples coloris et le scénarise dans des vitrines devenues légendaires. Autant d’occasions de communiquer et de faire rêver qui se transforment en gains de notoriété et de désirabilité.
Le temps long
Le temps long, c’est aussi celui du récit, partie intégrante de la valeur donnée au sac. Le modèle Classique de Chanel est le seul à avoir été conçu par Coco Chanel elle-même, avec une méthode de couturière, le « cousu-retourné », qui s’applique d’habitude aux vestes. Le très sobre modèle Constance d’Hermès, créé en 1967, doit son succès à son petit parfum sixties qui revient à la mode. Le sac Birkin de Hermès reste indétrônable dans l’esprit de toutes les femmes, parce qu’il a une histoire et parce qu’il a aussi innové avec son esthétique casual chic. Ces récits créent des icones et ce sont justement ces repères iconiques que recherchent les clients, à condition que la marque ait su respecter son propre langage et son identité. Un parallèle peut être fait avec Cartier qui redessine ses icones horlogères et joaillières depuis quelques années sans trahir leur signature. Cette approche s’accompagne d’un discours sur les savoir-faire, la qualité, les ateliers, la fabrication française, légitimé par l’ancienneté des Maisons. Elle est incontournable pour créer la désirabilité et l’exclusivité. La rareté des modèles et la hausse constante des prix, loin de décourager les clients, ne font qu’exacerber leur désir de possession. Et les chiffres sont éloquents, comme le confirme notre interview de Charlotte Chehboub, Responsable Communication de Collector Square, leader européen du vintage de luxe, qui revient sur les modèles phares de cette enquête.
Prendre la relève
Louis Vuitton affiche une belle place dans ce classement avec 3 modèles parmi les 10 premiers. Pour assurer la relève de la toile Monogram, trop vue, trop copiée et gagner en image, la Maison a lancé le modèle Capucine qui reprend les critères de succès des intemporels : la sobriété, le design en trapèze, le Monogram discrètement suggéré mais reconnaissable, une qualité de matière supérieure (le cuir). Pari réussi, le modèle est encore faible en notoriété mais déjà bien classé sur les 2 autres critères, désirabilité et exclusivité. Pour autant, le malletier ne renonce pas au Monogram, dont la notoriété reste forte. Il l’explore en version gaufrée sur cuir (Empreinte) avec des modèles en ton-sur-ton, plus chics, plus discrets. Une belle façon de relever le défi.
· Méthodologie : les femmes interrogées appartiennent à la frange des 5% des plus hauts revenus et devaient avoir acheté un sac de luxe de plus de 2 500 €, quelle que soit la marque, dans les 24 derniers mois. 4 712 réponses ont été collectées.
· Pour plus d’informations et acquérir l’étude : valerie.jourdan@promiseconsultinginc.com
Parution dans LUXUS + octobre 2024