Haute joaillerie : l’art de l’équilibre

Dans l’univers de la haute joaillerie, chaque pièce est bien plus qu’un bijou, elle incarne une quête de perfection, un équilibre délicat entre créativité, savoir-faire et émotion. Les Maisons les plus prestigieuses dévoilaient, pendant la fashion Week de Paris, des collections où la maîtrise des formes, des matériaux et des couleurs a atteint de nouveaux sommets. Plongées dans un tourbillon de lumière et de poésie, les créations transcendent les tendances et célèbrent un équilibre subtil entre nature, art et joaillerie.

 

Dans sa collection En Equilibre, Cartier illustre magnifiquement sa signature, l’équilibre des formes et l’épure graphique. Le joaillier de la rue de la Paix combine avec maestria les tailles de diamants complexes, multiples et les pierres de couleur facettées, boules, lisses ou gravées du style tutti frutti. Le collier Geopelia est une véritable étoffe de lumière, légère et souple, sertie d’un diamant de plus de 5 carats D FL de type IIa et de 15 diamants ovales (12,35 carats) montés sur un éventail de diamants. La combinaison de diamants et de couleurs révèle aussi la virtuosité de Cartier l’équilibriste. Les bagues Azulejo et Tayeta mêlent, pour la première, des boules de saphirs et des diamants trapèze sertis de biais, retenant un saphir taille pain de sucre (15,35 carats) et pour la seconde, un cabochon de rubis de près de 7 carats qui semble tenir en équilibre sur un ruban de brillants.

Cartier, bague Tayeta

Si Cartier s’exprime tout en nuance, Louis Vuitton clame son excellence artisanale avec Virtuosity. Hommage à l’apprentissage et à la maîtrise des savoir-faire, le malletier nous entraîne, avec 12 thèmes et 110 pièces uniques, dans un véritable tourbillon d’inspirations. Motifs Monogram, Damier, V, clous des malles, cordage se déclinent à l’envi sur des rangées de pierres accumulées et architecturées pour démontrer toutes les techniques de savoir-faire comme sur les colliers Apogée, Connection ou encore Maestria, la pièce maîtresse. Maestria a demandé 2 730 heures de travail. Elle compte 2 500 diamants, dont 250 ont été taillés sur œuvre, et un trio d’émeraudes de Colombie parfaitement appairé. Les liserés d’or sont entièrement articulés.

La démonstration est réussie et la tête nous tourne devant tant de pièces à déchiffrer…

Louis Vuitton, collier Maestria

Nostalgie chez Chanel puisque la collection présentée, Reach for the Stars, est la dernière qui a été conçue par le directeur de la création Patrice Leguéreau, disparu en 2024. Chanel nous emmène dans un univers de diamant et de légèreté et réinterprète ses thèmes iconiques, la comète et le lion. Altiers, deux lions ailés se font face comme deux gardiens du temple ou plus mystérieux, se dissimulent, leur face ajourée n’apparaissant que lorsque l’on s’approche du bijou. Le travail d’emmaillement, la douceur des contrastes (rubis rouge sang et pierres de lune diaphanes), l’éclat solaire des diamants jaunes donnent des ailes aux parures imposantes sans jamais être pesantes, dans un esprit de cascade, de rayonnement et de féminité gracieuse. 

Chanel, boucles d’oreilles Strong as a Lion

« Par cette nouvelle collection Carte Blanche, j’ai voulu saisir la beauté de la nature avant sa disparition. » Avec le nouveau chapitre, Impermanence, Claire Choisne cherche à capturer la beauté éphémère de la nature. Une fois par an (collection Carte Blanche), la directrice artistique de Boucheron donne libre cours à ses inspirations personnelles (ici, un voyage au Japon) et à ses explorations quasi-scientifiques, pour nous faire perdre nos repères de savoir joaillier. Composée de 28 pièces monochromes réparties en 6 compositions (en tout 18 000 heures de travail !), la collection évoque le cycle de la nature – de l’éclosion au flétrissement - dans l’esprit de l’Ikebana japonais.  Chaque composition se glisse dans un vase en forme de tube courbé, à exposer comme un objet d’art. Travaillant des matériaux inattendus – résine, corian, verre borosilicate, céramique, sable noir… - Claire Choisne révèle des chardons en résine 3D biosourcée, littéralement « cousus » de diamants (jusqu’à 600 pour le plus grand) et crée des pièces d’un réalisme saisissant. La chenille et le scarabée semblent se déplacer, les feuillages s’agiter, les pétales se recroqueviller… Un langage poétique sensible et virtuose se détache de cette collection.

Boucheron, détail d’une composition de la collection Impermanence

L’inspiration florale et botanique de Chaumet dans la collection Jewels by Nature se lit comme une vision de la nature, tour à tour éternelle, éphémère et renaissante qu’il faut préserver. Les 54 pièces de la collection figurent les espèces les plus humbles comme les plus nobles, dans la tradition joaillière de Chaumet. Les riches parures s’infusent de la plus grande simplicité. Des successions de fleurs, du bourgeon jusqu’à l’éclosion en des pierres admirables (fleur du collier Sweetshrub), reprennent l’esprit d’asymétrie propre à la Maison. Sur le collier Avoine & Etoile des champs, les minces feuilles d’or des jeunes bourgeons contrastent avec les fleurs épanouies en vis-à-vis, semées de diamants jaunes coussin. L’humble églantier (parure Wild Rose), inspiré d’un diadème de la Maison de 1922, convoque de remarquables diamants jaunes, dont un Fancy Vivid Yellow VS2 de 8,23 carats. Les couleurs viennent par touches discrètes mais jaillissent parfois, comme sur le collier et la bague Water Lily, habités du feu de sublimes topazes impériale de 17 et 23 carats.

Chaumet, collier Water Lily

Piaget est le deuxième opus de la collection Essence of Extraleganza, lancée en 2024 à l'occasion des 150 ans de la Maison. Extravagante et élégance, audacieuse, artistique, la collection s’inspire de ce qui a construit les repères de style de la Maison : les années 1960 et 1970. Shapes of Extraleganza raconte la connexion puissante qui lie Piaget à l’art et aux artistes, dans un hommage aux collaborations phares avec Salvador Dali, Arman, ou les célèbres collectionneurs comme Andy Warhol. L’extraordinaire collier Kaleidoscope Lights, digne d’une œuvre de pietra dura, a exigé une découpe minutieuse de tranches incurvée de pierres dures parfaitement assemblées. Cinq cents heures de travail ont été nécessaires sans compter le travail du lapidaire. Shapes of Extraleganza souligne la complexité de compositions de pierres précieuses et de pierres dures aux couleurs vibrantes, typiques de la Maison. Sublime : une broche/bracelet Rose Piaget en marqueterie de plumes d’un réalisme à s’y méprendre, réalisée par l’artiste plumassière Nelly Saunier.

Piaget, collier Kaleidoscope Lights

Plongée dans l’histoire également avec les Maisons italiennes Buccellati et Pomellato, orfèvres et joaillières. Buccellati présente quelques créations choisies de son patrimoine, d’élégantes sac et minaudières en or dont la gravure Rigato imite la soie. Les nouveautés sont des mini-sacs sertis de finitions précieuses, des manchettes aux motifs ajourés, entourés de diamants et des bagues cocktail reprenant les codes de la Maison, tel que le nid d’abeille, les deux ors et la gravure Rigato. Pomellato se déchaine avec les 75 pièces de sa Collezione 1967. De l’art innovant des chaînes des années 1970 aux designs sculpturaux des années 1980 et aux formes exubérantes des années 1990, chaque ère a contribué avec des éléments essentiels au langage esthétique de Pomellato. En 2025, la Maison italienne s’en inspire pour architecturer de lourds maillons d’or en chockers, bracelets, sautoirs extravagants avec des pierres de couleur démesurées, dont un diamant jaune fancy light de 12 carats, un saphir de Ceylan de plus de 22 carats, une tanzanite de 56 carats taillée en asymétrie… Une interprétation virtuose, éclatante de couleurs et du savoir-faire de Pomellato. 

Pomellato, parure Asimmetrico, tanzanites

Chez Damiani, le collier Marea Rosa est imaginé comme un lever de soleil sur la Méditerranée, aves ses vagues ondoyantes de morganites et de diamants taille marquise reflétant les rayons d’une matinée claire. Les ondes précieuses retiennent une époustouflante tourmaline bleu-vert type Paraíba du Mozambique de 46,71 carats.

Damiani, collier Marea Rosa

Les feux du soleil instillent Terres d’Instinct de Messika. La Maison fête ses 20 ans avec une collection inspirée par les terres et la faune sauvage d’Afrique australe d’où viennent ses diamants (un territoire créatif jusqu’ici préempté par De Beers London). Les bijoux d’un éclat chaleureux sont réalisés dans un or texturé, brossé et ciselé, à l’image du travail de la Maison initié avec Move Ciselé. Le style tribal de la parure Kalahara se distingue avec ses diamants jaunes, dont un de près de 35 carats et ses galets d’or blanc semés de 3 298 diamants en serti neige. Le collier Mirage évoque les dunes striées par le vent du désert tandis que le bracelet Fauve semble marqué par les griffes d’un lion. Terres d’Instinct marque un tournant réussi pour Messika, où l’or trouve une place et un langage nouveaux.

Messika, collier Mirage

Terminons avec un enchantement. Si Van Cleef & Arpels avait réservé sa collection de haute joaillerie L’Ile au Trésor exclusivement à ses clients VIP et ne montrait rien pendant la Fashion Week, la Maison a annoncé l’ouverture d’une boutique éphémère Rive Gauche*. L’espace de 200 m² révèle un jardin enchanté, une nature colorée, légère et onirique. Nous sommes aux sources de l’écriture créative de la Maison depuis 1906.

Van Cleef & Arpels 6, rue de Sèvres 75006 Paris

 

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 Parution La Lettre de Rubel & Ménasché - juillet 2025

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