Le virage high tech d’Element Six (De Beers)
Depuis quelques années, les diamants de synthèse ont fait irruption dans la joaillerie et conquis des parts de marché importantes. Mais le grand public ignore souvent qu’ils sont utilisés depuis plus de 70 ans dans l’industrie et plus récemment dans la haute technologie où leur qualité de conducteur thermique et leur capacité à détecter les champs magnétiques les plus infimes sont très recherchées. Element Six, filiale du groupe De Beers fabriquant des diamants synthétiques, vient de signer un partenariat avec Bosch et s’engage dans la création de capteurs quantiques.
Un marché de 10 milliards € par an
Basée à Ludwigsburg, en Allemagne, la joint-venture entre Bosch et Element Six, baptisée Bosch Quantum Sensing emploie actuellement 30 collaborateurs. Bosch pilote les opérations de la jeune pousse dans laquelle la filiale de De Beers détient une participation de 25%.
Depuis plus de 10 ans, Bosch investit des montants considérables dans la R&D et la commercialisation des technologies quantiques. La société allemande estime que le potentiel du marché mondial de la médecine et de la mobilité (la navigation en particulier) pourrait atteindre à terme 10 milliards € par an. Elle a choisi de s’allier à Element Six pour sa capacité à fournir en quantité des diamants de synthèse de haute qualité. Le partenariat devrait donc permettre à Bosch de doper une sérieuse avance technologique : elle a conçu le prototype de capteur quantique le plus compact de sa catégorie – il a la taille d’un smartphone – pour le niveau de sensibilité requis.
L’avantage des capteurs compacts réside dans leur portabilité, leur production moins coûteuse et leur meilleure évolutivité. L’objectif à long terme de Bosch Quantum Sensing est de fabriquer des capteurs quantiques si petits qu’ils puissent être intégrés sur une puce.
Le diamant « intelligent »
Dans le domaine de la mobilité, la joint-venture permettra de développer une navigation GPS plus performante. Elle pourra également offrir des avantages décisifs pour l’exploration des ressources naturelles et, dans le domaine des technologies médicales, pour la mesure de l’activité cardiaque.
« Chez Element Six, nous avons appris à combiner la résistance d’un diamant avec la « fragilité » nécessaire à la détection quantique. » explique Al Cook, le CEO de De Beers. « Qu’est-ce que cela pourrait signifier ? Notre défi est de créer des capteurs petits, peu coûteux, robustes et incroyablement sensibles. Si nous y parvenons, nous pourrons créer des dispositifs capables de détecter le moindre changement dans vos muscles cardiaques sans intervention médicale. Un dispositif qui pourrait naviguer parfaitement, même sous l’eau ou dans le ciel. Un dispositif capable de transformer vos ondes cérébrales en actions. » continue Al Cook.
Haute technologie ou bijoux ?
Les fabricants de diamants de synthèse s’intéressent de près au marché de la haute technologie. Ce n’est pas étonnant si l’on regarde les chiffres. Le prix de ces pierres destinées à la joaillerie s’effondre d’année en année. L’expert Paul Zimnisky observe que leurs prix wholesale ont chuté de 90 à 95 % par rapport à 2015. En cause ? La multiplication des usines de production, surtout en Inde, qui inonde le marché. Dans ce contexte, les meilleurs fabricants se tournent vers la haute technologie, plus rémunératrice. A commencer par De Beers, qui a arrêté de fournir des diamants de synthèse pour la joaillerie, au grand soulagement du retail américain qui voyait là une forme de trahison. La société de Leonardo Di Caprio Diamond Foundry a fait parler d’elle l’an dernier avec le projet d’une gigantesque usine en Espagne, largement subventionnée et dont la production sera essentiellement destinée à l’industrie. Quelques mois plus tôt, Lusix affirmait que ses diamants synthétiques avaient « un avenir fabuleux dans les applications high-tech. » Un avis partagé par WD Lab Grown et d’autres fabricants, qui ont tous orienté vers l’industrie une partie plus ou moins importante de leur activité.
Le diamant de synthèse s’impose comme un matériau clé pour les technologies de demain. Avec des propriétés physiques hors norme et dans un contexte de baisse de rentabilité sur le marché de la joaillerie, est-il destiné à un avenir plus « intelligent » ? Le partenariat entre Bosch et Element Six pourrait bien illustrer ce basculement stratégique et la haute technologie devenir le nouvel écrin du diamant synthétique.
Parution dans La Lettre de Rubel & Ménasché - avril 2025
Images : Bosch
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